Au sein de l’association quimperloise Mada-Breizh qui œuvre pour la scolarisation des Malgaches, elle est chargée des relations internationales. Son île est au cœur de la semaine internationale, qui débute ce vendredi à Quimperlé. Et ce, pour deux semaines..

Entretien

Claire Pensec, de l’association Mada-Breizh

Vous êtes originaire de Madagascar. Vous souvenez-vous de votre enfance ?

Je suis née à Antsirabé à Madagascar en 1955. J’ai passé mon enfance dans l’île et je suis arrivée en France à l’âge de 32 ans. Je suis née dans une famille très pauvre.

Mes parents habitaient en campagne et étaient très très pauvres. Nous étions dix enfants et nous habitions une maison en briques de deux pièces. La cuisine se faisait dans l’une d’elle.

Mon père n’avait pas de travail. Il allait aider dans les champs. C’était comme ça. Je ne suis pas allée beaucoup à l’école. Il y avait l’écolage à payer tous les mois.

Très tôt, j’ai aidé mes parents. J’avais 10 ans. À 14 ans, j’ai quitté l’école pour faire des petits boulots, du ménage, du balayage de rue… Oui, j’ai bien compris et je sais ce que c’est, la pauvreté.

Comment s’est passée votre arrivée en France ?

Je suis arrivée à Concarneau à 32 ans. Seule. J’ai travaillé dans un hôtel et c’est là que j’ai rencontré mon mari. Je me suis aussi posé des questions.

Moi j’étais en France et ça allait. Mes amis, ma famille, à Madagascar, sont tous pauvres. Alors j’ai commencé à aider les gens de là-bas. Au début j’ai aidé à faire une classe, avec de l’argent de ma poche. Mada-Breizh a été montée en 2005 et j’ai rejoint cette association en 2008.

Je suis en charge des relations internationales avec l’île. Depuis, on fait le nécessaire pour aider. On a fait beaucoup dans la région d’Antsirabé. On a construit des classes d’école, un lycée, donné des fournitures scolaires.

Cet été, un bloc sanitaire avec une subvention de la Ville de Quimperlé. Là, on nous demande une autre classe pour une école publique qui veut s’agrandir.

Madagascar sera au cœur de la prochaine semaine internationale. Quelles sont vos attentes ?

Cela me fait très plaisir. Il est important que les gens sachent comment se passe la vie dans l’île. Aujourd’hui, rien n’a changé là-bas. C’est toujours la pauvreté.

C’est peut-être même pire. J’espère que les gens vont témoigner, qu’ils acceptent de nous aider.

Nous faisons venir le député du district d’Antsirabé II, José Randrianantenaina, et le consul honoraire de Madagascar en France, Jérémie Gordien Ravahimanana, pour une rencontre avec le public, le 10 novembre. J’espère qu’il y aura du monde.

Vous retournez souvent dans l’île. Comment y est la vie ?

Les gens ne peuvent plus récolter le riz à cause des inondations. Or, le riz est le plat principal. La prochaine fois que nous irons, nous filmerons les inondations pour les montrer.

Mada-Breizh construit de belles écoles, mais si les élèves y viennent le ventre vide, ils n’apprennent rien. On parle aussi de la peste.

C’est lié peut-être à la pauvreté et à la saleté des villes. Madagascar est encore plus pauvre que Haïti. Il y a aussi de la corruption. Les élections présidentielles seront en 2018. Quel sera le résultat ?

Comment êtes-vous reçue quand vous rentrez à Madagascar ?

Les gens sont très contents de nous voir là-bas. Ils arrivent avec des petits poulets, des canards, des légumes. Ces cadeaux sont une tradition, nous ne pouvons refuser.

Ils donnent ce qu’ils peuvent alors qu’ils ont si peu. Entre l’île et la France, il y a trop de différence. Quand j’arrive là-bas, je vide mes pulls à chaque fois. Il y a trop de mendiants qui n’ont rien à se mettre. Moi, je donne tout le temps. Parce que j’ai été comme ça, pauvre.

J’aide aussi ma famille. Sur les dix enfants que nous étions, quatre sont partis, parce qu’il n’y avait ni médecin, ni médicament pour les soigner. Les autres sont restés. Moi, je suis la seule en France.

Mada-Breizh est-elle reconnue dans l’île pour ses actions ?

Avec le président Guy Douville, nous y allons chaque année, présenter les projets, suivre les chantiers, trouver les entreprises… Mada-Breizh a reçu du ministère de l’Éducation nationale de Madagascar, un certificat de reconnaissance pour ses actions.

Dans les pays de Quimperlé, de Concarneau et jusqu’à Lorient et au Guilvinec, avec les bénévoles, nous récupérons les vieux papiers. L’argent est investi dans l’île. L’association n’a pas besoin d’aller vers les ministres malgaches, ils viennent vers nous car nous donnons.

Maintenant, Mada-Breizh est très connue. Ici aussi, les gens viennent vers nous, nous aident et nous félicitent. Quand on est transparent, les gens viennent facilement. J’espère que l’association durera encore longtemps.

Regards croisés sur le monde, semaine internationale sur le thème de Madagascar, à Quimperlé, du 6 au 12 novembre.

Source: Recueilli par Béatrice GRIESINGER, Ouest-france du 03 novembre 2017.