Il est des parcours remarquables et des hommes hors du commun. Erick Rajaonary a épousé une trajectoire ascendante, en devenant, au fil des années, un héros pour la jeune génération.
Dans la salle d’attente des locaux de Guanomad, une immense figurine représentant Batman trône fièrement. Erick Rajaonary aime assurément ce personnage de comics et ce super-héros adulé par des millions de personnes. Il se retrouve dans les valeurs incarnées par le justicier de Gotham City. Et surtout, il est en train de suivre la voix de Bruce Wayne, l’alter ego du justicier, en termes de business et de réussite.
Privatisation
Originaire de Fandriana, dans la région d’Amoron’i Mania, – un des berceaux de l’intelligentsia betsileo– « Batman » est issu d’une famille de profession libérale. Son grand-père était chirurgien-dentiste et son père stomatologue. La voie était, sans doute, toute tracée mais il déviera de la trajectoire initiale en cours de route. Il quitte la Grande île et s’envole pour la France afin de poursuivre des études en comptabilité. Bien qu’issu d’une grande famille betsileo, il balaie d’un revers de la main tout passe-droit inhérente à son statut. « J’ai surtout hérité du savoir-faire de mes parents et de mes grands-parents ». Pendant 20 ans, il exercera la profession d’expert-comptable à Lyon. Revenu au bercail en 1998, il fera partie du secrétariat technique à la privatisation en tant qu’expert financier, pour assurer la délicate mission de mener à bien le programme de privatisation des sociétés d’État. Le plan concerne les secteurs pétrolier et télécommunication. L’élan est gâché par la crise politique de 2002. Quand il revient sur cette époque, il nourrit certains regrets. « La privatisation était la meilleure solution pour l’économie malgache. Je regrette un peu qu’il y ait eu un certain manque de transparence dans le processus », note-il.
Opportunités
Vers la fin de l’année 2005, il fonde Guanomad. Les relations qu’il a nouées dans le cadre de ses missions lui ont facilité la tâche. « Dans le contexte du programme de privatisation, j’ai pu établir de nombreux contacts, étendre mes relations et mon réseau. Quand des opportunités se créent, il faut savoir les saisir ». Après avoir analysé le potentiel du guano, il plonge dans le grand bain. Avec 100 000 euros, et un emprunt de 100 000 autres auprès d’institutions bancaires, il se lance dans l’aventure. Au début, il fait appel au marketing direct avec sa femme, en prenant part à différentes foires agricoles pour séduire ses principaux clients : les paysans. « Je n’y croyais pas au commencement. Mais quand j’ai regardé les caractéristiques des guanos, j’ai su que c’est un engrais très riche et performant ». La petite entreprise prendra de l’envergure pour devenir aujourd’hui un grand groupe employant près 80 personnes avec 200 distributeurs dans tout Madagascar. 400 personnes travaillent dans une centaine de grottes reparties dans toute l’île. Guanomad exporte ses productions dorénavant.
Label
Au fil des années, Erick Rajaonary engrange les succès et la réussite est au rendez-vous. Les contrats s’enchaînent. Il prend de l’importance dans le microcosme économique. « Je pense être plutôt un leader, affirme-t-il avec une pointe de fierté. Je suis un homme de rassemblement, c’est ce qui fait ma force ». Ses points de vue sont partagés et ses ambitions iront crescendo. Il se présente à la présidence du Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy (Fivmpama) en 2015 et est élu. Il a rempilé cette année pour un nouveau mandat. « J’ai toujours voulu bâtir pour le pays ». Pour lui, c’est une manière de concrétiser le concept de « patriotisme économique » qu’il véhicule sans cesse. Pour lui, redorer le blason de l’industrie malgache est une priorité tout comme la mise en place d’un label malgache. « Il faut inciter nos concitoyens à consommer malgache », exhorte-il. Erick Rajaonary nourrit de grandes ambitions. On lui prête même une velléité d’accéder à la magistrature suprême. Quand on lui pose la question, il répond avec sérieux. « Cela ne sert à rien si on veut ne faire que de la politique politicienne qui est en train de tuer ce pays ». Très sollicité internationalement, l’homme d’affaires n’en oublie pas pour autant de partager ses expériences avec les jeunes, même s’il regrette que « souvent, nul n’est prophète en son pays ». En tout cas, un pays a besoin de héros. Erick Rajaonary l’a bien compris.
En quelques dates
1990 : diplôme d’expert-comptable à Lyon
1998 : il fait partie du secrétariat technique à la privatisation en tant qu’expert financier
2005 : création de la société Guanomad qui exploite le guano
2013 : le PDG de Guanomad est élu meilleur entrepreneur africain sur plus d’un millier de candidats
2015 : il devient président du Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy, puis réélu en 2017
2018 : il est candidat à la présidence de la république de Madagascar
Raoto Andriamanambe
Source: Politika du 21 février 2018.